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  • Photo du rédacteurHina Cookie

Les Sorcières de Pendle

Stacey Halls

Michel Lafon

 

J’ai reçu un service de presse bien avant la parution de ce titre, je l’ai donc lu cet été à la plage… et honnêtement, il a été dur de le poser, même avec la promesse d’une bonne baignade !


Nous sommes en 1612 à Pendle, Lancashire, dans le nord de l’Angleterre, où nous suivons Fleetwood Shuttleworth, maîtresse du domaine de Gawthorpe Hall. Âgée de tout juste 17 ans, elle est enceinte pour la quatrième fois et pour cause : ses trois grossesses précédentes se sont soldées par autant de fausses couches. Non seulement elle a peur de ne jamais parvenir à donner un héritier à son mari, qu’elle aime vraiment de tout son cœur, mais sa santé qui décline rapidement lui fait également craindre pour sa propre vie.

Complètement par hasard, elle rencontre dans les bois une fille pas beaucoup plus vieille qu’elle, dans des circonstances étranges, qui disparaît aussitôt, mais leurs chemins se recroisent quelque temps plus tard. L’inconnue s’appelle Alice Gray, connaît parfaitement les plantes médicinales et lui assure, malgré son jeune âge, avoir de l’expérience en tant que sage femme : Fleetwood y voit un signe du destin et l’engage dans une dernière tentative désespérée de voir naître son enfant. Et au fil des mois, son ventre s’arrondit, elle reprend des couleurs.


L’ennui, c’est que la chasse aux hérétiques fait rage à cette époque en Angleterre et qu’un homme avide de pouvoir voit dans l’arrestation d’une présumée sorcière l’occasion inespérée de se faire un nom à la cour du roi en ouvrant un immense procès pour sorcellerie. Toutes les femmes érudites, solitaires ou étranges deviennent des suspectes, tous les regards se tournent donc vers la jeune Alice. Comment peut-elle connaître tant de choses, vulgaire fille du peuple incapable de lire et écrire ? Ses relations avec d’autres accusées jouent contre elle et au grand désespoir de Fleetwood, elle est arrêtée.

Commence alors une longue course contre la montre afin d’innocenter celle qui est devenue au fil des semaines une véritable amie pour la jeune châtelaine, pour sauver non seulement la vie de l’accusée mais aussi celles de la mère et de l’enfant…


« – Les femmes qui ne survivent pas… c’est uniquement quand on ne peut plus rien pour elles. Cela se voit tout de suite. [...] Dans leur regard. Il s’abîme…dans l’au-delà. Vous voyez l’heure entre chien et loup ?

J’ai hoché la tête en signe d’acquiescement, même si je me demandais quel pouvait bien être le rapport entre le crépuscule et l’accouchement. – La lumière et l’obscurité sont des forces égales – des partenaires, si vous préférez – et il y a un instant, furtif et silencieux, quand on voit le jour céder à la nuit. C’est à ce moment-là que je sais. C’est ainsi.

À l’entendre on aurait dit une sorcière, mais je me suis gardée de le lui dire. »


Comme je le disais plus haut, il a été difficile pour moi d’interrompre ma lecture, mais c’est un pavé assez conséquent qui demande tout de même quelques bonnes heures d’attention. Et quelle attention ! Je n’ai pas vraiment trouvé de longueurs dans l’intrigue, on plonge presque immédiatement dans le vif du sujet et tous les éléments apportés pour contextualiser viennent au fil du récit, sous formes de bribes de souvenirs ou par le biais de conversations rapportées, ce qui est un gros avantage pour moi, j’ai toujours du mal avec les romans qui commencent par les explications et mettent ainsi plus de temps à vraiment vous captiver.

L’écriture en point de vue interne, qui nous fait partager non seulement les péripéties de Fleetwood mais aussi ses pensées et ses peurs, facilite énormément cette immersion dans son univers et son époque, il est vraiment facile de s’attacher au personnage, sans vraiment s’identifier complètement à elle – question à la fois de siècle, de mode de vie, de statut social et de préoccupations.


Contrairement à ce qu’elle pense, notre héroïne ne manque pas de force. Malgré sa position plutôt élevée dans la société, on sent qu’elle traîne derrière elle un bagage assez lourd, notamment lié à une relation plutôt houleuse avec sa mère, mais sa vraie ténacité s’exprime surtout quand il s’agit de sortir Alice de la prison où elle a été jetée en attente du procès. Avec un peu de mauvais esprit, on peut croire qu’elle ne le fait que par peur de perdre le bébé si sa sage-femme n’est pas là pour l’accouchement, mais personnellement je pense qu’elle tient réellement à elle et qu’elle veut véritablement empêcher une terrible injustice.

Pour l’anecdote, Fleetwood a un chien, Puck, un très gros mastiff français qu’elle a sauvé d’un mauvais traitement. Si elle est capable de défendre la cause d’un animal, j’ose à croire qu’elle peut aussi le faire pour une amie, quand bien même les risques sont autrement plus importants.

La relation qui se tisse petit à petit entre Fleetwood et Alice m’a énormément touchée. Originaires de milieux radicalement opposés, elles n’auraient jamais dû se connaître, mais les épreuves qu’elles traversent ensemble et les secrets qu’elles se confient, l’une comme l’autre, nouent un lien très fort entre elles deux. À mes yeux, leur amitié est beaucoup plus solide que celles, bien plus superficielles, que la jeune bourgeoise entretient avec des gens de son rang.


« – Elles ne peuvent pas êtres jugées coupables, c’est impensable. Elles n’ont aucun témoignage extérieur. C’est la parole des unes contre celle des autres.

– D’aucuns ont fini à l’échafaud pour moins que cela. Pensez-vous qu’elles côtoient effectivement le Diable ?

J’ai pensé à la Tour de Malkin qui jaillissait de la lande comme une main surgie d’une tombe ; au souffle de ce vent inépuisable qui devait rendre fou. J’ai songé à la maison qu’habitait Alice, avec son toit déchiré sur le ciel ; l’humidité qui suintait des murs [...]

– Si le Diable est la pauvreté, la faim et la détresse, alors oui, je pense qu’elles côtoient le Diable. »


Petit point historique ! Stacey Halls a grandi dans la région où se déroulent les événements et le folklore local parle énormément des sorcières de Pendle, ces onze femmes (dont une dénommée Alice Grey) jugées en août 1612. Fleetwood Shuttleworth et son époux ont bel et bien existé eux aussi, mais c’est là que réside la part de fiction, aucun lien n’est véritablement établi entre les propriétaires de Gawthorpe et Alice.


Les points positifs
- Le sujet évidemment !
- Les recherches évidentes de l’autrice sur le contexte historique
- La relation entre les deux jeunes femmes
- L'accent mis sur l'injustice derrière le procès
 
Les points négatifs 
- Même pour chipoter, je n’en vois pas !

Ma note :
5/5, sans hésiter ♡

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